Bonjour à tous, et bienvenue dans cette seconde partie du Rock Star on the Rocks avec Guillaume Beuzelin. La semaine dernière, nous en étions à l’éventualité d’intégrer d’autres régions francophones. L’inclusivité dans l’arbitrage, la liberté d’expression, les conférences sont également des sujets que nous avons abordé avec Guillaume.
(Propos recueillis le 08/05/17)
JF : La zone d’influence d’un RC reste donc essentiellement rattachée à une région géographique ?
G : On peut aller au delà des frontières géographiques pour développer du contenu. Cependant, aller développer le Québec de culture anglo-saxonne, où les habitants peuvent faire 8 heures de voiture pour jouer à un tournoi, alors que de notre côté, on traverse la France sur ce même temps, tout en considérant qu’on a du mal à staffer des PPTQ qui se trouvent parfois à 100 km, on se rend compte que les problématiques sont trop différentes pour que ce soit logique d’inclure cette région. Après, avec la France, on a un des territoires des plus étendus, puisqu’on a notamment la Réunion, et la Guyanne Française où Théo Cheng est actuellement en train de travailler pour certifier quelqu’un.
JF : L’un des derniers sujets brûlants est l’inclusivité dans Magic. J’ai cru comprendre que ce sujet est important pour toi. Peux-tu nous donner ton ressenti sur ce sujet et pourquoi est-ce si important que les arbitres s’assurent qu’un tournoi de Magic soit inclusif ? N’est-ce pas utopique de vouloir faire évoluer une communauté à majorité masculine ? Quels moyens d’actions et de sensibilisation la communauté dispose-t-elle ou voudrais-tu qu’elle se dote pour ce faire ?
G : Magic est un loisir, que ce soit en tant qu’arbitre ou en tant que joueur. Faire un loisir où on se dit en partant de chez soi que l’on va rencontrer des gens désagréables qui vont faire des remarques racistes, misogynes ou autre, ce n’est pas forcément génial et on pourrait se dire que l’on va faire un autre hobby ou évoluer dans un autre milieu. Ce n’est pas quelque-chose auquel je crois : j’ai envie que les gens jouent à Magic et dans ce cas, avoir un milieu le plus inclusif possible, ça semble mieux. Ensuite, lorsqu’on fait une partie de Magic, il n’y aucune raison d’apporter des éléments extérieurs à celle-ci : lorsqu’on voit deux joueurs qui jouent une partie sans communiquer verbalement, on comprend que le jeu a ses propres règles de communication. De fait, si l’une des deux personnes est une femme, ça ne change rien sur l’état de la partie. Il n’y donc aucune raison à ne pas promouvoir l’inclusivité. Si on considère l’aspect business, c’est essentiellement des hommes qui jouent en tournoi aujourd’hui. Il y a quand même pas mal de femmes qui jouent actuellement chez elles et si on veut faire des tournois plus gros, vendre plus de cartes, eh bien une des façons de procéder est de faire que l’environnement de jeu soit le plus inclusif pour tout le monde de sorte à ce que tous aient envie de jouer et faire des tournois.
Concernant le côté utopique, la communauté est masculine, c’est un fait. C’est vrai que les gens font parfois des blagues pour lesquelles ils ne rendent pas compte qu’entre hommes, ça peut être marrant, mais que les femmes puissent considérer comme moins amusant. Typiquement, les remarques sur le physique par exemple : c’est rigolo lorsqu’on fait peut-être une fois la remarque dans la journée mais quand la personne en face a entendu 20 fois cette remarque dans la journée, c’est tout de suite moins rigolo pour elle. J’ai été dans le cas de la personne qui faisait ces blagues il y a quelques années et j’ai eu pas mal de discussions avec des femmes qui m’ont fait réaliser cela. Maintenant, j’essaye de faire comprendre aux gens qu’ils ne sont peut-être pas forcément conscients que leurs actions individuelles constituent une action collective qui très lourde pour les autres participants.
Il y a beaucoup de personnes qui ne sont juste pas au courant et il y a peu de gens qui se veulent désagréable activement. Parfois, ils ne sont pas conscients que ce qu’ils font n’est pas super et juste en leur disant, en communiquant, ces personnes se corrigent, s’excusent. Je pense que sur cette masse de personnes qui font des remarques inappropriées mais pas méchamment, on peut faire beaucoup d’éducation, de communication et cela résultera à la disparition de ces remarques des tournois, d’autant plus si ce groupe représente beaucoup d’individus.
En ce qui concerne les moyens, il y a la Ladies Planeswalkers Society, un groupe venant des États-Unis à l’origine, dont le crédo est de créer un environnement ultra inclusif où l’on n’accepte aucune personne qui fasse des commentaires désobligeants. Ce groupe a été exporté en Belgique et en France. On a un groupe de discussions sur ces questions et nous voulons faire bouger les choses en parlant avec les organisateurs. Les hommes et les femmes n’ont tout simplement pas les mêmes besoins sur un tournoi et parfois, c’est juste aller voir l’organisateur pour lui rappeler qu’au niveau des toilettes par exemple, ce ne sont pas les mêmes nécessités. Faire des petits ajustements pour que tout le monde se sente mieux, ça se reflète également en supportant les conférences parlant de ce sujet. Sur les Grands Prix, Julie Bouchonville et Marion Dupouy ont essayé de faire des conférences pour sensibiliser les joueurs. Elles ont également fait une très bonne présentation à ce sujet à la conférence de Valence. C’est en parlant du sujet que tout à chacun peut réaliser et changer son attitude.
JF : C’est essentiellement de la communication derrière pour lutter contre ce problème…
G : Oui. Comme je disais, pour plus des 3/4 des gens qui ont des comportements qui ne sont pas 100% inclusifs, ce n’est pas méchanceté et l’éducation suffit pour pallier à cela. Maintenant, lorsqu’il y a des personnes qui sont activement en train de pourrir une communauté, nous sommes armés du côté des documents dans l’arbitrage pour demander à ces personnes de présenter des excuses ou quitter le lieu du tournoi. Du côté des arbitres, on a un code de conduite et un comité d’investigation pour les attitudes qui ne sont pas acceptables. Mais ce ne sont pas des éléments sur lesquels je crois énormément. Ils sont nécessaires pour gérer les profils activement désagréables mais pour ceux qui ne le font pas de manière volontaire, l’éducation est bien plus efficace à terme.
JF : Qu’en est-il de la liberté d’expression ? Lorsqu’on est lié à Magic via les réseaux sociaux ou autre, y-a-t-il un devoir de réserve à avoir ? Qu’est que l’on peut se permettre d’exprimer ou non et sous quel cadre ?
G : À partir du moment où l’on est clairement identifié comme arbitre, c’est-à-dire en mettant son travail sur Facebook comme arbitre ou faire des commentaires lorsqu’on a la chemise noire, ce que l’on exprime est essentiellement lié à l’arbitrage et donc il y a un certain devoir de réserve. Maintenant, si l’on fait des remarques sur un compte personnel et que ce n’est pas clairement indiqué que l’on est arbitre, il y a la liberté d’expression. D’un autre côté, il faut se rendre compte que certaines personnes ne s’arrêteront pas à, ou ne feront pas la différence du style : jusqu’à 18 heures, Jean-François est au travail, de 18h à 19h, Jean-François est arbitre et de 19h à 20h, Jean-François est un « Troll ». Cela ne fonctionne pas comme ça. Le problème est que si l’on a « trollé » des gens sur internet, que l’on a fait des remarques désobligeantes d’un point de vue inclusivité, les personnes extérieures vont avoir du mal à dissocier ces propos du reste, avec ce que nous sommes sur le tournoi. Et quelque-soit l’image que l’on peut avoir sur un tournoi, aussi professionnelle soit-elle, l’image perçue par les autres va saper notre crédibilité sur ce type de discussion. Si l’on doit gérer des propos haineux ou autre, alors que l’on a fait des blagues du même calibre, c’est un peu compliqué de prétendre que c’était son Facebook privé. J’encourage donc vraiment les gens à ne pas mettre sur les réseaux sociaux quelque-chose qu’ils ne veulent pas revoir dans un autre contexte et quant bien même si pour certains, le troll ou l’humour noir sont très importants, contrôlez les canaux sur lesquels vous communiquez. J’ai déjà eu cette discussion avec différents arbitres L2 et dont certains ont très bien compris et paramétré correctement leurs réseaux. Simplement, ces personnes m’ont retiré de leurs listes, ainsi que d’autres personnes liées à Magic, simplement parce ce qu’ils voulaient publier, ça allait peu dans le sens du judge program, de sorte à ce qu’un maximum de personnes liées au programme ne lisent pas leurs propos. En fait, chacun interprète la liberté d’expression comme il l’entend mais il ne faut pas s’étonner que d’autres ne s’arrêtent pas au mur Facebook.
JF : J’aimerais que tu nous parles des conférences d’arbitrage ainsi que des conférences leadership francophones, dont la prochaine aura lieu en Juin. Peux-tu expliquer à nos lecteurs quels sont les objectifs de ces conférences, et quel intérêt y-a-t-il à y participer ?
G : Les conférences classiques sont là pour plusieurs choses. Premièrement, pour apporter du contenu technique aux gens, pour parler de sujets qui peuvent parfois être compliqués, ou qu’il est bien de réexpliquer. Cela peut être les investigations, une partie précise de l’IPG comme Hidden Card Error. Ça peut aussi parler de problème de comportement agressif en tournoi convivial ou compétitif. Voilà en ce qui concerne l’aspect technique. On présente également des séminaires pour développer des Soft Skills, c’est-à-dire le savoir-être, le savoir faire mais qui est moins technique. Cela sert à améliorer sa communication avec les autres, comment approcher une table de façon plus diplomatique…
Ensuite, les conférences ont un aspect communautaire très important. Quand on est 60 à se réunir sur deux jours, ça permet à la communauté française d’avoir une opportunité de discuter énormément, de permettre à tout le monde de se rencontrer et créer des liens.
Ces conférences apportent également une possibilité de recrutement. En France, ce n’est pas sur cet aspect où nous sommes le plus fort mais ça peut faire que les joueurs locaux viennent et éventuellement d’en certifier quelques-uns. C’est encore quelque-chose que l’on doit travailler.
Les conférences leadership sont sur invitations. Le but, c’est de réunir les arbitres qui ont des positions de leadership dans la communauté française et francophone, que ce soit sur les projets ou en terme de management sur la communauté. C’est assez naturel pour moi d’inviter les capitaines de région ainsi que les gens qui sont sur les projets les plus importants ou ceux qui sont impliqués sur pas mal d’entre eux afin d’avoir la meilleure vision possible de la communauté, de sorte à essayer de donner une impulsion dans une direction ou une autre.
JF : Parlons un peu de toi. On te rattache souvent au rôle de coordinateur régional, mais tu es également arbitre et je pense que tu prends du plaisir à arbitrer. Quels sont les éléments que tu préfères dans l’arbitrage et quel sont les points sur lesquels tu penses que tu pourrais t’améliorer ?
G : J’arbitre essentiellement des gros tournois, des Grands Prix ou des Pro Tours en général. Sur ces tournois, ce que je préfère, c’est de faire en sorte que le tournoi tourne le mieux possible notamment en mettant beaucoup d’attention sur l’aspect logistique. J’ai vraiment envie que les rondes de GP ont une inter-ronde le plus petit possible afin que les joueurs retournent jouer le plus vite possible ; qu’un side event commence à l’heure et ses rondes fassent en moyenne 1h, 1h10 pour que les personnes à la fin de la journée, elles aient le temps d’aller au restaurant ou autre ; et qu’elles ne soient pas bloquées à jouer des parties parce qu’on n’a pas été capable de proposer un service de qualité suffisante.
Le deuxième aspect qui me plaît est le service client. J’aime bien quand un joueur pas très content vient vers moi et qu’il repart content. C’est quelque-chose sur lequel j’ai beaucoup travaillé ces dernières années et je pense m’être beaucoup amélioré sur ça.
J’aime bien être très efficace et des fois j’en oublie un petit peu l’aspect plus social, ce qui permet de créer de la cohésion au sein d’un tournoi ou autre. Je veux aller directement au but et on oublie un petit peu que les arbitres présents viennent aussi pour passer un bon week-end et se détendre. C’est quelque-chose que j’ai l’intention de faire, sur lequel me concentrer à l’avenir pour ces gens qui sont là, et continuent à lancer des tournois mais qu’à la fin de la journée, ils aient le sentiment d’avoir fait partie d’une équipe.
JF : Étant acteur de l’eternal week-end, j’ai beaucoup apprécié tes speech de cohésion…
G : Merci. Cela s’inscrit en effet dans cette démarche. Depuis début Mars, j’ai compris que c’est quelque-chose sur lequel je veux m’améliorer. L’éternal week-end, ça a été un premier tournoi où j’ai été en me disant : « allez, cette année, on bosse sur ça. »
JF : Quels sont tes projets et envies pour 2017 ?
G : Il y a pas mal de tournois de prévu. J’ai fait mon premier tournoi en tant que Head Judge de Grand Prix. Dans deux semaines, je vais à Montréal (ndlr : cette interview a été réalisée avant cette échéance) pour accompagner Kevin Desprez pour être Appeal Head Judge là bas. C’est un rôle que je connais de façon théorique et que je vais pratiquer cette année un peu plus et je suis assez intéressé par les challenges que ça implique.
Et voilà en ce qui concerne cette interview. J’espère que vous avez pris du plaisir à la lire. Je remercie bien évidemment Guillaume de s’être prêté au jeu d’une interview. Si vous avez une suggestion, notamment sur un ou une arbitre de la communauté francophones à mettre en avant, n’hésitez pas à me contacter !
À très vite !
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