Compter le nombre de cartes et recréer des états de partie

Il n’est pas rare d’avoir des doutes à propos d’un joueur qui aurait pioché une carte supplémentaire ou non. Un bon exemple de cela est Guillaume Wafo-Tapa, pour lequel on aurait prétendu qu’il aurait pioché une carte supplémentaire au cours du Pro-Tour Incursion dans Nyx (ce qui, après un examen approfondi de la vidéo, s’est avéré être une fausse accusation).

Ce n’est pas une situation simple à résoudre. Il y a de nombreux éléments à considérer, et le plus souvent, les informations s’avèrent incomplètes. Cependant, par la combinaison de plusieurs éléments différents, il n’est pas impossible d’arriver à compter les cartes ou encore mieux, de reconstruire toute la situation, ce qui nous aidera à évaluer si un joueur a joué deux terrains sur un tour ou encore estimer le juste total de points de vie.

 

À propos de la pioche de cartes supplémentaires

 

Une des raisons pour laquelle la pioche de cartes supplémentaires mérite un Game Loss est que piocher une carte par tour est une des limitations naturelles du jeu. Pour piocher plus, vous avez besoin d’investir une autre ressource limitée, d’une manière ou d’une autre : le mana.

Il peut arriver qu’un joueur vous appelle parce qu’il sent que son adversaire a trop de cartes en main. Lorsque cela arrive, la meilleur chose à faire est de compter le nombre de cartes auxquelles ce joueur a eu accès.

 

 

Pre-investigation: Toss and Mulligans

 

Les deux toutes premières questions à se poser sont :

  1. Qui a commencé à jouer ?
  2. Est-ce qu’un joueur a mulligané ?
  3. Si oui, combien de fois ?

À leurs premiers tours respectifs et indépendamment des mulligans, le joueur sur le play (NdT : c’est-à-dire le joueur ayant commencé ; JP pour la suite de cet article) a accès à 7 cartes, et le joueur sur la draw (NdT : c’est-à-dire le joueur ayant pioché au premier tour ; JD pour la suite de cet article) a accès à 8 cartes.

 

 

détermination du tour

 

À moins qu’il n’ait lancé des sorts de pioche, chaque joueur pioche exactement une carte par tour.

Cela signifie que si vous déterminez le nombre de cartes en main durant le tour de JP chacun des joueurs devront avoir le même nombre de cartes en main, puisque JD n’a pas encore pioché pour son tour.

Si vous comptez durant le tour de JD, il devra avoir une carte de plus que JP.

 

Cela signifie que compter le nombre de cartes est également utile pour déterminer à quel tour les joueurs se trouvent:

  • Pour JP, la formule est : nombre de tours = nombre de cartes – nombre de cartes en main de départ + 1
  • Pour JD, on a : nombre de tours = nombre de cartes – nombre de cartes en main de départ

Simple, non ? Voyons les pièges maintenant !!

 

 

Piège #1 : les cartes se remplaçant elles-mêmes

 

Magic est plein de cartes qui vous font piocher (cantrips) et/ou chercher dans votre bibliothèque. Prenez Contemplation ou Grève inondée par exemple : ces cartes se remplacent elles-mêmes et laissent légalement un joueur avoir accès à plus de cartes.

S’il y a de telles cartes qui ont été lancées ou jouées (plutôt que défaussées ou exilées), elle ne doivent pas être prises en considération lorsque vous comptez.
 

Variation n°1 : Piocher plusieurs cartes en une fois

Divination rend le calcul légèrement plus compliqué, puisqu’elle donne accès au joueur à plus d’une carte. Dans de tels cas, excluez le nombre de cartes piochées du compte : dans ce cas, ce serait Divination et une autre.

 

Variation n°2 : Piocher ou chercher un nombre variable de cartes

Révélation du sphinx ou À la recherche de l’horizon font que le joueur a accès à un nombre variable de cartes. Assurez-vous que les joueurs soient d’accord et de combien de cartes ont été piochées ou cherchées. S’ils sont en désaccord, voici quelques astuces :

  • Pour Révélation du sphinx, vérifier combien de points de vie ont été gagnés sur la feuille de score est très utile.
  • Dans le cas d’À la recherche de l’horizon, il semble peu probable que le joueur n’ait pas pris les trois terrains.

 

Variation n°3: Cartes se remélangeant elles-mêmes

Zénith de Vertsoleil est banni du modern, d’où le fait qu’il devenu rare. Toutefois, c’est une bonne carte à garder à l’esprit : demandez systématiquement aux joueurs si une carte a été mélangée elle-même ou si une partie ou la totalité du cimetière a été lancé / activé plus tôt : Elixir d’immortalité, Emrakul, Déchirure des Eons

 

Conseils :

  • Assurez-vous bien que vous excluez seulement les cartes qui ne se remplacent pas elle-mêmes !
  • Il est plus facile d’exclure une carte qui a fait qu’un joueur a pioché / cherché des cartes avec les autres. C’est plus facile si vous avez besoin de recompter ou de vérifier rapidement.

 

Piège #2 : les permanents faisant qu’un joueur pioche ou cherche dans sa bibliothèque à plusieurs reprises

 

Des cartes comme Jace, le sculpteur de l’esprit, Contribution foncière, ou Coursière de Kruphix peuvent être vraiment pénibles à prendre en compte. Elles peuvent faire que la détermination du nombre de cartes semble impossible, mais ce n’est pas (toujours) le cas.

  • Demandez aux deux joueurs de confirmer combien de fois les capacités de ces permanents ont été activées ou se sont déclenchées. Cela devrait vous donner une idée de combien de cartes supplémentaires un joueur a eu accès.
  • Si les joueurs n’en sont pas certains, déterminez à quel tour ils sont dans la partie, et à quel tour cette carte s’est résolue et ce qu’elle a fait exactement. Par exemple, la première capacité de Jace, le sculpteur de l’esprit (+2 loyauté) ne donne pas accès à plus de cartes mais sa seconde capacité (0 loyauté) si : + 1 carte (pioche de 3, et remise de deux cartes au-dessus de la bibliothèque).

Cela peut évidemment échouer, spécialement si la partie a déjà été très longue. Cependant, prenons cet exemple de la World Magic Cup à Nice :

 

Durant le huitième tour, JP a le sentiment que JD a pioché une carte supplémentaire. J’ai dit que c’était peut-être en raison du fait que JP avait une Coursière de Kruphix, qui permet de jouer des terrains supplémentaires depuis votre bibliothèque. Et c’est là l’essentiel : si un terrain a été joué depuis la bibliothèque, il ne devrait pas être inclus parmi le nombre de cartes piochées, d’où le fait qu’il n’y ait pas de cartes supplémentaires dans le main de JD.
[Note : supplémentaire signifie ici que la carte ne peut pas être expliquée.]

 

Cela semble presque comme impossible à évaluer. En fait, sans élément d’intervention, il se peut que ce soit impossible à évaluer.

Coïncidence, JP a eu son développement de son jeu perturbé, puisqu’il a seulement 4 terrains sur le champ de bataille et un seul au cimetière. Cette quantité limité de ressources est quelque-chose dont je peux tenir compte. Nous avons donc reconstruit la partie depuis le côté de JP :

 

Chacun des deux joueurs étaient d’accord sur cette séquence, notamment avec le fait que le deuxième Nykthos qui a été joué au tour 4, et que la cariatide n’a pas été lancé au tour 2. En me basant sur cette séquence précise, j’ai pu en tirer les conclusions suivantes :

  • Puisque le joueur sur le play a joué un autre Nykthos au tour 4, en dépit qu’il soit légendaire, il est parfaitement clair qu’il n’avait pas la Forêt dans sa main à ce moment.
    Évidemment, il a pu très mal joué mais ça ne semble pas réaliste.
  • Ainsi, lorsque vous avez la Coursière sur le champ de bataille, la seule façon de piocher un terrain est d’en avoir deux à la suite sur le dessus de la bibliothèque, ce qui signifie que la Forêt a été jouée depuis le dessus de la bibliothèque.

Vient ensuite la conclusion logique : JD avait une carte supplémentaire qu’il n’a pas su expliquer. Il a donc eu un Game Loss pour Drawing extra cards.

 

Enseignements :

  • Plus les ressources sont limitées, mieux, en réalité, vous pouvez reconstruire la partie.
  • Assurez-vous que les deux joueurs sont d’accords sur l’état de la partie avant de présenter vos conclusions. Cela permet d’éviter les raisonnements hasardeux.

 

 

Pioche de cartes supplémentaires VS pioche manquée.

 

L’IPG indique que « Cette infraction s’applique également si un joueur a trop de cartes dans sa main sans pouvoir expliquer pourquoi. »

Avant de partir dans cette direction, vous devez être certain que ce joueur a réellement une carte supplémentaire et que ce ne peut pas être l’adversaire qui en a une de moins. C’est pourquoi déterminer le nombre de tours et vérifier le nombre de cartes par rapport au nombre de tours est important.

S’il est impossible de déterminer si c’est ce joueur qui a des cartes supplémentaires ou si c’est son adversaire qui n’en a pas assez (parce que ce ne peut pas être vérifié par rapport au nombre de tours), faites piocher une carte à ce joueur mais n’infligez pas un Game Loss.

 

 

 

Autres applications possibles.

 

Quand il y a la Fouille dans le format ou lorsqu’un joueur n’est pas sûr s’il a déjà joué un terrain ce tour-ci, la déconstruction des parties peut-être également précieuse. Voici deux exemples tirés du Championnat du monde à Nice :

 

Fouille dans les profondeurs :

 

Au tour 5, le joueur non actif appelle l’arbitre parce-qu’il pense que le joueur actif a mal payé sa Fortune des mers, en exilant une carte de moins que nécessaire, ce avec quoi le joueur actif n’est pas d’accord. Problème : une autre Fortune des mers a été lancée le tour précédent et il y a incertitude sur combien de cartes ont déjà été exilées. Le joueur actif prétend 4, le joueur non actif 5.

En analysant simplement la situation, c’était sans-issue, un classique cas d’affirmations divergentes. Cependant, une chose a pu m’aider : les shocklands. J’ai reconstruit la partie en utilisant non seulement les cartes mais également les totaux de points de vie des joueurs.

Le joueur actif, qui venait de lancer les Fortune des mers, avait 5 shocklands sur le champ de bataille, un fetch dans la zone d’exil et son total de points de vie montrait seulement 4 « choc », puisqu’il était à 11 au tour 5. Ce qui signifiait qu’un d’entre eux était arrivé engagé sur le champ de bataille. Cela signifiait que le joueur actif a joué un terrain dégagé au tour 4 et par conséquent payé 4 mana, en exilant 4 cartes le tour précédent.

Il n’avait donc pas mal payé sa Fortune des mers au tour 5.

 

Enseignements

  • Tout peut-être utile. Tirez avantage de toutes les ressources disponibles.
  • Les spectateurs peuvent être utiles mais assurez-vous qu’ils ne soient pas partiaux. Parlez toujours à chacun d’entre eux séparément.

 

 

Deux terrains ?

 

Tardivement dans la partie (probablement au tour 10 voire 11 avec déjà de lands drops de manqués), il y a eu une interrogation sur le fait si un joueur avait joué un terrain supplémentaire (ce qui peut facilement arriver après un sort de pioche) ou non.

Compter les cartes s’avérait être inutile puisque cela n’aurait pas débouché sur un Drawing extra cards.

Estimer si un joueur a joué deux terrains suppose savoir combien il avait de terrains en début du tour ; c’est-à-dire combien à la fin de son tour précédent par extension.

J’ai donc essayé de reconstruire son tour précédent, non pas en comptant mais simplement à partir du mana dépensé, en demandant aux joueurs quels terrains étaient dégagés, d’après eux, à la fin du tour. Lorsque la réponse est zéro, c’est du gâteau. Vous avez juste besoin de vérifier quelles cartes ont été lancées, additionner leurs coûts de mana et regarder le total. Lorsque la réponse n’est pas zéro, tout espoir n’est pas perdu : vous pouvez toujours obtenir un accord de leur part, par exemple parce-que l’adversaire craignait un contresort à deux manas.

 

Enseignements

  • Lorsqu’il est trop tard pour reconstruire la partie depuis le début, vous pouvez la reconstruire partiellement, depuis le dernier point où les joueurs sont d’accord, ce qui peut-être un ou deux tours auparavant.
  • À nouveau, tirez avantage de tout ce que vous pouvez : le nombre d’activations d’un Planeswalker, le nombre d’attaques avec telle créature qui a été jouée lorsque le joueur avait toutes ses ressources de mana engagées.

 

Être capable de compter les cartes et par conséquent les tours dans une partie peut être une compétence cruciale afin de lever toute ambiguïté. Piocher des cartes supplémentaires, ainsi que jouer de multiples terrains dans un tour, sont probablement les avantages les plus significatifs qu’un joueur peut s’octroyer. Par conséquent, le comptage ne doit pas être pris à la légère.

 

Kevin.

Traduction Jean-François Durmont