Couvrir la salle en restant actif et concentré sur les joueurs

Écrit par David Lyford-Smith

Écrit par David Lyford-Smith

Salut à tous ! Dans cet article j’exposerai quelques idées pour couvrir au mieux la salle lors d’un évènement – où se placer, comment agir et quoi faire. On a facilement tendance à croire qu’il n’y a rien de spécial à faire pour effectuer cette tâche pourtant fondamentale dans le travail d’arbitrage mais elle est plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

 

Objectifs

En quoi consiste la couverture de la salle ? Quand le faire et pourquoi ? Lors des grands évènements, on couvre la salle parce qu’on ne peut pas être proche de chaque match, contrairement aux évènements de plus petite taille. Voici ce que nous nous efforçons de réaliser :

  • S’assurer que nous sommes disponibles pour répondre aux requêtes des joueurs – garantir que l’un de nous répondra à l’appel de n’importe quelle table.
  • Faire savoir aux joueurs que nous sommes bien là, ce qui les rassure.
  • Décourager les tricheurs.
  • Beaucoup de joueurs n’osent pas appeler un arbitre même s’ils en ont vraiment besoin, que ce soit par timidité ou parce qu’ils ne veulent pas que quelqu’un d’autre soit impliqué. Nous voulons être en situation de repérer quand on a besoin d’un arbitre mais qu’on ne l’appelle pas.

 

En pratique

Jetons un œil à une disposition classique des tables :

Illustration n°1

Dans un évènement de petite taille cela peut représenter toutes les tables, tandis que pour un Grand Prix cela n’en représente qu’une fraction. Réfléchissons aux différentes positions possibles.

Voici l’approche classique qu’appliquent de nombreux arbitres :

Illustration n°2

On voit que l’arbitre se poste dans une allée ou à l’extrémité d’une rangée de tables. Il choisit le côté qui mène aux allées. Voyons quels sont les avantages de cette position :

  • L’arbitre peut observer toute la zone.
  • Le délai moyen pour atteindre n’importe quelle table est réduit au minimim.
  • Il est libre de patrouiller de gauche à droite.
  • Il peut facilement discuter ou socialiser avec d’autres arbitres.

Néanmoins cela présente aussi des inconvénients :

  • Il ne peut voir que les matchs les plus proches.
  • La plupart des joueurs ne sont pas conscients de la présence de l’arbitre, lequel peut sembler distant ou peu intéressé.
  • Il n’interviendra que dans les situations où les joueurs appellent activement l’arbitre.

La meilleure façon de décrire cette position est de parler de couverture ‘passive’ de la salle : l’arbitre se contente d’être en place et d’attendre que quelqu’un l’appelle pour intervenir.

À présent jetons un œil à mon alternative préférée :

Illustration n°3

Ici l’arbitre patrouille directement dans l’une des allées. Examinons les avantages de cette position :

  • L’arbitre peut observer des matchs très variés, de sorte qu’il en apprend davantage sur le format et qu’il peut repérer les erreurs au moment où elles se produisent, y compris celles pour lesquelles il n’aurait pas été appelé normalement.
  • Les joueurs peuvent constater que l’arbitre manifeste un intérêt actif envers le tournoi.
  • Il est d’autant plus vraisemblable que les joueurs malhonnêtesseront dissuadés ou pris sur le fait.

Et certains de ses défauts :

  • Le champ de vision de l’arbitre est réduit, il ne peut plus voir la zone toute entière.
  • Il est plus difficile de croiser et d’interagir avec d’autres arbitres dans l’espace confiné entre deux allées.

Pour le premier défaut, garder l’ouïe en alerte et encourager les joueurs à appeler un arbitre d’une voix forte et claire, tout en gardant la main levée, sera d’une aide précieuse. Pour le second, il est facile d’engager une discussion à l’occasion en croisant un collègue au bout d’une allée où on patrouille.

Cette position permet de couvrir la salle de manière beaucoup plus ‘active’ : rechercher les matchs et les joueurs qui ont besoin de l’aide d’un arbitre, et intervenir spontanément. J’ai été étonné de constater que les joueurs me font souvent signe au moment où je passe lentement derrière eux afin de les aider à résoudre un désaccord sur les points de vie qu’auparavant ils essayaient de gérer par eux-mêmes, ou combien il est fréquent qu’un coup d’œil fortuit sur une partie mette en lumière une erreur sur les règles.

L’avantage le plus important est l’impact de la proximité d’un arbitre sur le nombre d’appels. De nombreux joueurs sont timides ou hésitants à appeler un arbitre. D’autres encore estiment que leurs problèmes ne sont pas assez sérieux pour solliciter un arbitre ou bien qu’il vaudrait mieux le résoudre par eux-mêmes. Globalement un grand nombre de problèmes ne sont jamais signalés, alors qu’une bonne partie d’entre eux seraient traités par un arbitre s’il y en avait un à portée de main. Il ne subsiste aucun doute dans mon esprit sur le fait que j’ai constaté une légère augmentation des appels depuis que je privilégie cette attitude.

Tout cela bien sûr sans parler des joueurs malhonnêtes qui préfèreraient que nul arbitre n’intervienne dans leurs affaires. Je me rappelle plusieurs disqualifications où la présence d’un arbitre à proximité, qui avait vu ce qu’il s’était passé et qui pouvait fournir une vue d’ensemble impartiale des versions conflictuelles des joueurs, a fait toute la différence en fin de compte.

Tandis que vous arpentez les allées, prenez votre temps : observez les matchs en chemin, déterminez l’état des parties que vous voyez, et restez vigilants aux signes de disputes ou de désaccords à apaiser.

Voici quelques éléments courants à surveiller qui indiquent souvent qu’un arbitre devrait intervenir à une table :

  • Les joueurs haussent le ton : un désaccord.
  • Un joueur lit une carte : une question de règles.
  • Les deux joueurs consultent leurs carnets de points de vie : une divergence dans les points de vie.
  • Un joueur regarde aux alentours / paraît s’ennuyer : il est possible que son adversaire joue à un rythme trop lent.
  • Un joueur prête une attention soutenue à l’emplacement des arbitres : soit il a vraiment besoin d’un arbitre, soit il essaie d’éviter d’être surveillé au moment où il effectue des actions louches.
  • Une discussion entre joueurs de matchs adjacents : quelqu’un a besoin d’une réponse mais ne pose pas sa question à un arbitre, voire il s’agit peut-être d’assistance extérieure.

 

Interactions entre arbitres

Quelle que soit votre méthode, de temps en temps une bonne discussion avec un collègue arbitre est pratique pour évoquer ses projets sur le tournoi, parler d’une partie intéressante à laquelle on vient d’assister, ou évaluer ses connaissances sur des problèmes particulièrement difficiles liés au règlement. Quand vous faites cela, il est essentiel de s’assurer de rester vigilant vis-à-vis du tournoi et disponible pour les joueurs et les spectateurs qui pourraient avoir des questions.

Une conversation normale entre deux personnes ressemble généralement à ceci :

Illustration n°4

Les flèches noires représentent les arbitres, la flèche bleue représente un joueur.

Pour la plupart d’entre nous c’est la posture naturelle : être en contact visuel complet et faire face poliment à l’autre personne. Malheureusement cela peut donner l’impression aux joueurs qui vous observent que vous vous désintéressez complètement du reste, ou que vous être totalement indisponible. Si quelqu’un aimerait vous parler, comme notre chère amie la flèche bleue ici, il aura l’impression d’être obligé d’interrompre votre conversation privée. En outre, vous ne serez pas capable de voir grand-chose de ce qui se passe dans la salle.

Faisons la comparaison avec ceci :

Illustration n°5

Là les arbitres se tiennent côte à côte, légèrement orientés l’un vers l’autre. De cette façon ils peuvent toujours se voir et s’entendre, et ils peuvent discuter librement. Leurs yeux restent rivés sur le tournoi et ils paraissent plus impliqués et disponibles. Quiconque souhaite poser une question n’a qu’à marcher vers eux comme l’indique la flèche bleue – la plupart des gens ne réaliseront même pas qu’une conversation est engagée et n’auront donc pas les mêmes réserves à l’idée de venir vous trouver.

Cela requiert un peu de pratique pour s’y habituer, parce que notre instinct nous dicte de nous tourner complètement vers l’autre personne. Toutefois en fin de compte c’est indiscutablement la meilleure position. Prenez seulement garde à ce qu’un troisième arbitre ne viennent pas se joindre à vous au niveau de la flèche bleue, ce qui constituerait de nouveau une formation fermée.

 

L’ombre, la lumière et l’appel

Si vous travaillez en association avec un autre arbitre, profitez de cette formidable opportunité pour devenir l’ombre l’un de l’autre lors des décisions d’arbitrage. Quand un arbitre intervient à une table, l’arbitre dans son ombre doit rester en retrait de la décision d’arbitrage et laisser l’arbitre dans la lumière gérer les choses. L’arbitre dans l’ombre est là pour prendre des notes sur la façon qu’à l’arbitre dans la lumière de gérer la situation, dans l’optique de lui fournir potentiellement un retour d’information à ce sujet. L’arbitre dans l’ombre peut éventuellement fournir des directives discrètes s’il estime que l’arbitre dans la lumière ne sait pas quoi faire ou qu’il part dans la mauvaise direction.

S’il est fait appel de la décision d’arbitrage rendue, l’arbitre dans l’ombre doit rester à la table afin d’éviter qu’elle ne soit laissée à l’abandon et ainsi empêcher que la situation ne dégénère. Parfois quand il peut anticiper qu’une décision d’arbitrage sera soumise à controverse, il peut même prendre l’initiative d’aller trouver le Head-Judge à l’avance et commencer à lui expliquer ce qui est en train de se passer. Cela fait gagner du temps si la demande d’appel au Head-Judge se concrètise.

 

Comportement à proximité des joueurs ou de la salle

Dans les deux sections précédentes, nous nous sommes intéressés à où se placer pour patrouiller dans les allées, et comment deux arbitres peuvent interagir de manière ouverte afin de ne pas nuire à la couverture de la salle. Parlons à présent du contenu et du style des conversations entre arbitres.

Dans la mesure où nous nous efforçons de rester aussi près que possible des joueurs en salle, et d’être tourné dans leur direction, il est important de se rappeler que le son se propage. Ne discutez pas avec un autre arbitre de quelque chose que vous ne voudriez pas qu’un joueur entende accidentellement. De toute évidence cela inclut les détails des enquêtes en cours mais aussi les histoires embarassantes s’il est possible d’identifier les personnes spécifiques qu’elles concernent. Quoique cette affaire du joueur qui a commis une erreur stupide sur sa liste de deck peut être amusante, il n’est pas approprié que ses amis en soient informés !

Faites aussi attention lorsque vous donnez un retour d’information à un arbitre, en particulier des critiques constructives. Si vous proposez des pistes de progression à un autre arbitre et qu’un joueur surprend votre conversation, il pourrait perdre confiance envers les futures décisions d’arbitrage que cet arbitre rendra.

 

Dernières remarques pour conclure

Couvrir la salle par une démarche active et centrée sur les joueurs augmente le nombre d’appels auxquels vous répondez, accroit votre expérience, et améliore l’opinion des joueurs quant à l’implication et l’attitude des arbitres. Cela aide à débusquer des situations qui n’aurait jamais attiré notre attention dans d’autres circonstances, y compris des enquêtes à mener. Être attentif à la position et à l’orientation de son corps pendant les petites discussions peut aussi faire une grande différence sur la perception de votre disponibilité.

Ceci est une traduction par Loïc Hervier.