(Article d’origine publié le 1er novembre 2013 par Kevin Desprez)
Traduit par Sylvain Boisbourdin
Parce que la grande majorité des tournois de Magic offrent des prix à gagner en plus de la gloire, et parce qu’il peut arriver que le résultat d’un match soit préjudiciable aux deux joueurs, lesdits joueurs peuvent être tentés de s’accorder sur un résultat de match spécifique de manière à ce qu’au moins l’un d’entre finesse dans une position plus favorable au regard du classement.
Il y a des circonstances dans lesquelles un tel accord est parfaitement légal, mais les joueurs mettent très souvent les pieds sur une pente savonneuse. Qu’est ce qui est correct ? Qu’est ce qui ne l’est pas? Où se situe la limite? A quoi devons-nous (joueurs comme arbitres) faire attention?
Cependant, avant d’aller plus loin dans la philosophie derrière les infractions Bribery et Improperly Determining a Winner, nous devons nous intéresser au concept d’égalité, un mouvement illégal des joueurs résultant souvent d’une égalité naturelle.
Pourquoi les joueurs voudraient-ils changer un résultat?
Considérons quelques situations:
- Annett et Bob sont tous les deux à 2-1 sur une Avant-Première à 4 rondes, et où des lots supplémentaires sont distribués à partie de 8 points. Ils sont sur le point de faire égalité, ce qui les mettrait à 7 points chacun. Si l’un d’entre eux gagne, le vainqueur remportera deux boosters supplémentaires.
- Charles et Matt sont tous les deux à 6-2 sur un GP. Ils sont sur le point de faire égalité, ce qui les exclue de facto du jour 2.
Ces exemples sont les plus classiques et viennent tous (malheureusement pour les joueurs) d’une égalité due à la limite de temps. Cependant, d’autres configurations existent :
- John (5-1) est sous appareillé contre Will (4-1-1) sur un PTQ à 7 Rondes. Will est sur le point de gagner la partie. John veut vraiment se qualifier au PT et doit gagner ou faire match nul, là où Will n’est plus trop concerné.
- Billy (5-0-1) est sous appareillé contre Jay (5-1) sur un PTQ à 7 Rondes. Jay propose le match nul intentionnel, que Billy refuse car même s’il perd, il sera quand même dans le Top8, mais s’il gagne, il aura l’assurance de commencer durant la majeure partie du Top8.
Ces situation sont un terreau fertile pour tenter les joueurs à soit lancer un dé (le plus classique, mais non le seul moyen de déterminer illégalement le vainqueur) ou offrir à leur adversaire un partie de leurs gains, ou des choses supplémentaires en l’échange d’une concession ou d’un match nul. Les algorithmes des deux logiciels (DCI-R et WER) font autant que possible s’affronter entre eux des joueurs avec le même nombre de points. Par conséquent, une grande majorité des situations compliquées découlent d’un match nul préjudiciable aux deux joueurs. Commençons avec quelques idées sur le processus menant à des égalités:
Faire une égalité
Au-delà du concept de match nul intentionnel, que nous étudierons plus tard, l’égalité intervient lorsqu’un match atteint la limite de temps.
L’existence d’une limite de temps
Gérer un tournoi répond à de nombreuses contraintes logistiques (nombre de rondes, horaires de la salle) pour que le tournoi soit agréable pour tout le monde.
Il y a des JCC où vous ne pouvez pas faire égalité, où chaque match doit avoir un vainqueur. Ces tournois de JCC partagent les mêmes contraintes logistiques que Magic, et le choix a été fait de déterminer les vainqueurs en une manche gagnante. Au contraire, Wizards Of The Coast a choisi que les matchs des tournois de Magic se déroulent en deux manches gagnantes, donnant la possibilité d’utiliser une réserve afin de développer plus profondément les possibilités du jeu.
Ce serait plus simple si tous les matchs se terminaient avec un vainqueur. Cependant, faire des matchs en deux manches gagnantes sans limite de temps reviendrai à avoir des rondes dépassant allègrement l’heure, et atteignant probablement deux, ce qui ferait qu’un tournoi de 5 rondes + Top 8 durerait facilement douze heures. Jouer 30 minutes puis patienter 60 ou 90 minutes de plus à cause de deux joueurs pilotant des jeux contrôle lourds est loin d’être d’une bonne expérience. Dès lors, une limite de temps devait être fixée.
L’existence des matchs nuls.
Le fait qu’une limite de temps puisse mettre fin à un match signifie qu’une partie peut encore être en cours quand la fin du temps est annoncée et les tours additionnels terminés. A partir de là, deux options sont possibles: Définir un facteur de victoire dans le jeu, ou autoriser les matchs nuls. Le total de points de vie est un facteur utilisé dans les matchs à élimination directe avec limite de temps, mais il n’est pas satisfaisant, dans la mesure où réduire les points de vie de l’adversaire à néant n’est pas la stratégie de base de tous les jeux. Ça n’est donc pas un facteur juste, et son utilisation a été restreinte à des situations spécifiques, et uniquement quand aucune autre option n’est disponible (cela explique donc pourquoi les MTR recommandent de ne pas limiter le temps des demi-finales et finales).
De ce fait, la seule option, possible était de reconnaitre qu’aucun des joueurs n’avait gagné, et qu’ils avaient donc fait match nul. Dans un monde idéal et sans contrainte logistique, les matchs seraient joués en deux manches gagnantes jusqu’à ce qu’un vainqueur se distingue (comme au Tennis par exemple). Une autre possibilité serait de trouver un facteur de victoire acceptable. Celui utilisé à Magic Online (le temps utilisé par les joueurs) vient à l’esprit, exception faite qu’il est complètement inapplicable à Magic papier.
Matchs nuls intentionnels
Rendre les matchs nuls possibles n’était pas un choix, mais une nécessité. Cela mena à deux conséquences: Quand un match nul est bénéfique à deux joueurs là où victoire-défaite serait au détriment de l’un des deux, les joueurs se sentent fortement encouragés à faire match nul. C’est une des raisons, par exemple, qui mena à la création de la règle de Jeu/Pioche en Top8. C’est une motivation pour au moins l’un des deux joueurs à jouer la partie.
De là, plutôt que d’avoir une situation où les arbitres devraient avoir à surveiller des joueurs jouer lentement pour atteindre la limite de temps pour profiter tous les deux du résultat, il a été décidé d’autoriser les joueurs à faire des matchs nuls intentionnels.
Faire un match nul intentionnel n’est cependant pas exceptionnel: l’image donnée à un large auditoire n’est pas géniale, et les nouveaux joueurs pensent parfois que les joueurs qui font des cela « trichent », puisqu’ils ont « refusé de jouer pour bénéficier tous les deux d’un arrangement non stratégique ».
De plus, cela peut être extrêmement frustrant pour un nouveau joueurs de se voir retirée une opportunité de faire Top8 car deux joueurs sur les hautes tables se sont mis d’accord sur un résultat.
Concéder un match
Avançons du match nul vers la victoire, ou plus précisément vers deux joueurs qui s’accordent sur la victoire de l’un d’eux. Comme nous l’avons vu plus haut, il y a un large éventail de situations dans lesquels un joueur à grand intérêt à gagner là ou l’autre n’en a pas.
Autoriser les concessions de parties
Nous pouvons transposer le raisonnement sur l’autorisation des Matchs Nuls Intentionnels à l’autorisation d’un changement de résultat de match: Dans un monde idéal, les protagonistes joueraient jusqu’à ce qu’une Action Basée sur un Etat fasse perdre l’un d’entre eux, ou qu’un sort ou une capacité fasse gagner l’un d’entre eux. Concéder ne serait pas autorisé.
Cependant, de par la contrainte de temps que nous avons évoquée précédemment, que se passerait-il si les joueurs ne pouvaient pas concéder ?
Un joueur pourrait choisir de ne pas tuer son adversaire pour manger le plus de temps possible sur la ronde de manière à empêcher son adversaire de gagner la 2ème ou 3ème partie. Ce ne serait pas bon pour le jeu. Nous pourrions penser à passer « ne pas tuer son adversaire » en une infraction, mais, raisonnablement, ce serait impossible à mettre en œuvre.
Pour les mêmes raisons qu’au regard des Match Nuls Intentionnels, cela n’est pas une possibilité raisonnable, par conséquent concéder une partie devrait être légal.
Autoriser les concessions de matchs
Donc, si nous autorisons les joueurs à concéder des parties, devrions-nous les autoriser à concéder des matchs? Il a été récemment clarifié que les joueurs pouvaient concéder des matchs : En effet, si un joueur gagne la 2nde partie dans les tours additionnels, mais le Match Nul est néfaste aux deux joueurs, devrions empêcher l’un des deux de concéder la 3ème partie ? Cela n’aurait que peu de sens de retirer à un joueur le droit de concéder car ils ne peuvent pas légalement démarrer la 3ème partie.
Facteurs limitants pour faire Match Nul ou Concéder Légalement
Les joueurs peuvent légalement concéder ou s’accorder sur un match nul tant que:
- La décision est prise librement par les deux parties, et qu’il n’y a eu aucune contrainte d’aucune sorte,
- Aucune motivation n’a été donnée à un joueur spécifique pour que celui-ci soit d’accord pour concéder ou faire match nul et,
- Les joueurs ont pris la décision eux-mêmes (aucune méthode à part jouer la partie n’a été utilisée)
Comme vous pouvez le remarquer, l’éventail de possibilités pour concéder ou faire match nul légalement est relativement faible.
Pourquoi la Corruption (Bribery) et Jeter un dé sont illégaux?
Si les joueurs comprennent souvent pourquoi la corruption est illégale, dans la mesure où ça l’est également en dehors de Magic, ils demandent fréquemment les raisons pourquoi Jeter un dé l’est.
Un impact plus grand qu’escompté
Quand deux joueurs décident de modifier le résultat naturel de leur match, cela affecte bien plus que leur propre match. Même si ça n’est pas intuitif, ils impactent également les classements et, par conséquent, les chances des autres joueurs d’avoir des lots ou une place dans le top8.
Nous croyons que les joueurs qui assurent la victoire avant la fin du temps devraient avoir un avantage sur ceux qui n’y parviennent pas. Pourquoi devrions-nous autoriser un joueur à modifier un résultat n’importe quand?
Magic rime avec stratégique
Dans un tournoi de Magic, nous attendons des joueurs qu’ils jouent à Magic L’Assemblée. Comme nous l’avons vu précédemment, nous autorisons des concessions car elles ont un intérêt stratégique sur le match : En concédant une partie, un joueur peut jouer deux parties supplémentaires de Magic, ce qui n’est pas le cas si un joueur jette un dé à la fin du temps. Il n’y a aucune stratégie requise dans Magic pour lancer un dé.
L’éligibilité aux lots ou l’accès au Top8 devraient-ils être déterminés par autre chose que la stratégie à Magic? Nous ne le pensons pas. Le seul facteur qui devrait déterminer le résultat final des Rondes Suisses d’un tournoi est la Stratégie: un tournoi de Magic, c’est jouer à Magic, et pas jeter un dé. Magic n’est pas du tout le Craps
Bien sûr, d’aucuns pourraient soutenir que tous les joueurs pourraient faire la même chose, ce qui sur le long terme serait plus juste pour l’ensemble des joueurs: Parfois un joueur pourrait y gagner, parfois il s’y ferait avoir. Cet argument est honnête, mais il ne correspond pas aux critères que nous avons expliqués ci-dessus: ça n’est pas une décision stratégique à Magic, mais une tentative de contournement du système plutôt que d’être le meilleur joueur de l’assemblée.
Une Pénalité unique: Disqualification
Les joueurs sont souvent étonnés qu’un « simple » jet de dé mène à une Disqualification. Cette pénalité est en fait assez logique et suit une simple évaluation du facteur risque/récompense. Il y a deux raisons principales qui peuvent pousser un joueur à jeter un dé :
- Faire match nul le met hors de portée des lots,
- Faire match nul le met hors de portée du Jour 2.
Dans les deux cas, le match nul signifie que le tournoi est fini pour ce joueur. Afin d’éviter cela, le joueur choisit d’enfreindre les règles. Si la pénalité était tout sauf une Disqualification, alors le joueur se sentirait motivé à le faire à chaque fois, puisqu’il ne peut pas perdre plus que ce qu’il a déjà. Cela peut paraitre dur pour les joueurs qui n’ont simplement jamais entendu parler de ces règles, mais il ne serait pas juste qu’il puisse gagner plus que ce qu’ils peuvent perdre.