( traduit par Sylvain Boisbourdin
L’IPG établit que, dans le cadre d’un Game Rule Violation, il y a deux options possibles :
- “[…] appliquez la correction indiquée sauf si un retour en arrière simple est possible.”
- “Sinon, un retour en arrière peut être envisagé ou l’état de la partie peut être laissé en l’état.”
Cela soulève plusieurs questions :
- À quel moment un retour en arrière est-il suffisament “simple” ?
- À quel moment l’arbitre devrait-il considérer un retour en arrière plutôt que laisser l’état de la partie en l’état ?
Quand je suis consulté sur un retour en arrière en tant qu’arbitre Niveau 3+ ou quand je suis appelé en tant que Head-Judge, j’ai ces deux questions à l’esprit. Voici mes idées sur ce point, suivi du processus que j’ai conçu pour aborder les retours en arrière de la manière la plus cohérente possible de manière à être aussi cohérent que possible, si ce n’est dans les décisions en eux-mêmes, au moins dans leur approche.
Un retour en arrière simple
Voici une situation qui m’est arrivée lors du PT Fate Reforged (et sur laquelle je me suis déjà étendu dans cet article) :
AP engage une Chuchoteuse des terres sauvages et lance un Coup de poing sauvage pour que son Rakshasa pourvoyeur de mort se batte avec une 3/3, puis il marque une pause et regarde NAP.
NAP montre une expression de surprise sur son visage, dans la mesure où la Rakshasa 2/2 s’apprête à ne pas gagner ce combat. AP le remarque et ajoute “Et en réponse je booste la Rakshasa”.
NAP appelle l’arbitre. Le ruling semble relativement simple, la pause impliquant clairement un passage de priorité. Jusqu’au moment où nous avons réalisé qu’AP n’avait pas la Férocité, sa 4/4 étant morte au tour précédent (une enquête pour Cheating a été menée et cela a été exclu), ce qui implique que :
- AP se sentait confiant en la victoire de sa Rakshasa (la férocité donne +2/+2 à la Rakshasa).
- La Chuchoteuse des terres sauvages ne pouvait pas être engagée pour deux mana (il faut la Férocité pour cela).
Nous avons donc deux erreurs : d’un côté une erreur stratégique (ne pas remarquer que Rakshasa est 2/2) et de l’autre une erreur technique (sous-payer un sort). En tant qu’arbitre, nous devons essentiellement corriger la seconde avant d’évaluer la réalité de la première.
Heureusement, à cet instant, nous sommes au moment le plus tôt auquel l’erreur peut être découverte : le sort n’est même pas encore résolu ! Un retour en en arrière tellement simple ! C’est même de cette manière que le paragraphe 717 des Comprehensive Rules préconise de corriger la situation (puisque le sort est encore sur la pile).
J’ai réfléchi un peu pour évaluer quelles autres options étaient disponibles et j’en ai conclu que c’était le bon ruling à appliquer. Ça détruisait totalement NAP et sauvait AP mais c’est ce que la règle semblait indiquer.
Ou peut être pas ?
J’ai écrit “semblait indiquer” car après y avoir beaucoup réfléchi après coup, je crois que mon ruling n’était définitivement pas le meilleur possible : j’ai rembobiné toutes les actions jusqu’au lancement du Coup de poing sauvage, ce qui permit à AP de booster correctement sa Rakshasa avant de lancer le Coup de poing sauvage à nouveau. D’une certaine manière, c’était correct mais non optimal. En revenant en arrière, j’ai permis à AP de tirer avantage d’une information dont il ne disposait pas lors de sa prise de décision.
Ainsi, je n’ai pas restauré l’état de la partie tout près de sa version organique.
Désormais, face à la même situation, je laisserai la situation dans l’état : le Coup de poing sauvage a été sous-payé d’un mana et se résout. Cela semble bizarre mais c’est la meilleure option.
Maintenant, cela ne signifie en aucun cas que vous ne devez jamais revenir en arrière. Même si cela peut sembler dangereux, revenir en arrière peut certainement être bénéfique.
Quand vous revenez en arrière, vous devez être prudent sur l’impact qu’aura votre retour en arrière.
Un retour en arrière difficile
Je suis appelé à une table à cause de la question de règles suivante : AP retourne face visible son Sage du reboisement manifesté et déclenche incorrectement sa capacité déclenchée, détruisant la Coursière de Kruphix de NAP.NAP dégage et lance Arrogance tragique.
L’erreur du tour précédent a pas mal d’impact car NAP choisit de garder sa Caryatide sylvestre alors qu’il aurait également pu conserver la Coursière de Kruphix qui a été détruite par erreur.
De nombreuses actions ont été faites depuis que l’infraction a eu lieu. Dans l’ordre :
- La Coursière de Kruphix a été détruite.
- AP a attaqué avec plusieurs créatures, dont un Élémental de bois-murmure qui a manifesté une autre carte à la fin du tour.
- NAP lance Arrogance tragique puis passe son tour.
- AP est sur le point de piocher. Il prend la carte depuis la bibliothèque, sans que celle-ci ne touche sa main, quand il remarque quelque que quelque chose ne va pas.
Nous sommes presque exactement deux tours plus tard, ce qui rend le retour en arrière instinctivement culotté, par conséquent c’est plutôt conservateur de laisser les choses telles qu’elles sont.
Ou peut-être pas ?
Cependant, ce retour en arrière est faisable car toute chose qui rentre d’habitude dans la catégorie des “ informations” est connue ou totalement aléatoire.
- NAP n’a pas encore pioché de nouvelle carte, ce qui signifie que l’intégrité de sa main n’a pas été compromise.
Notez au passage qu’une carte piochée n’est pas toujours un facteur bloquant pour revenir en arrière.
- AP a lancé un sort dévastateur (Arrogance tragique), mais il était connu des deux joueurs car il était révélé sur le dessus de la bibliothèque alors que la Coursière de Kruphix était encore sur le champ de bataille.
- Par conséquent, toutes les décisions de jeu antérieures ont été prises en le prenant en compte. Il peut même être replacé sur le dessus de la bibliothèque puisque ça n’était pas une carte pioche aléatoirement.
- AP a manifesté une carte mais c’était une carte aléatoire du dessus de la bibliothèque et cela peut donc aisément être inversé.
Au final, bien que cela ait pu sembler énorme, il n’y avait rien qui empêchait de rembobiner la partie jusqu’au moment où le joueur a retourné face visible le Sage du reboisement (cela ne doit pas être rembobiné car l’action était totalement légale).
Et la raison est qu’aucune information supplémentaire n’a été gagnée.
Il est également très intéressant de noter qu’après que j’ai réalisé le retour en arrière, les deux joueurs ont enchaîné les mêmes séquences de jeu, excepté le fait que NAP a choisi de garder la Coursière de Kruphix en plus de la Caryatide sylvestre.
La philosophie du retour en arrière
Les raisons de laisser l’état du jeu tel quel
Commençons par un peu de philosophie sur les raisons pour lesquelles nous laissons généralement la partie dans l’état dans lequel elle se trouve, même s’il y a eu des infractions majeures aux règles qui sont survenues, et que l’état de celle-ci est très éloigné de ce qu’il devrait être si aucune infraction n’avait été commise.La raison principale de ne pas revenir en arrière est que les joueurs ont potentiellement pu prendre des décisions décisives pour la partie basées sur l’état du jeu post-infraction. Ce “mauvais” état du jeu est devenu l’original pour les joueurs et ils ont continué à jouer en se basant sur celui-ci.
En corrigeant l’état du jeu, l’arbitre peut au final le détériorer encore plus, même s’il n’en avait évidemment pas l’intention.
A propos des fix partiels
Un retour en arrière ne peut pas être partiel, il doit être complètement exécuté jusqu’à ce que l’état de la partie soit restauré au moment de l’erreur.
C’est à cause de conséquences stratégiques difficiles à évaluer que nous devons être prudents sur les fix partiels.
Les raisons de revenir en arrière
Ce que nous essayons essentiellement de faire lorsque nous ramenons le jeu en arrière est de restaurer l’état de la partie à un état organique (autrement dit : naturel).En revenant en arrière, nous essayons de faire que les joueurs jouent la partie qu’ils auraient du jouer s’ils avaient remarqué l’erreur immédiatement. C’est pourquoi vous devriez vous demander au moment d’envisager un retour en arrière : cela ramènera-t-il la partie plus près ou plus loin de ce qu’elle aurait été sans l’erreur ?
Une méthode : le retour en arrière pas à pas
Après un certain temps passé à effectuer des retours en arrière, j’en suis venu à ce processus, que j’applique aussi souvent que possible :
- Je défais les étapes une à une, dans l’ordre.
- Si une carte a été cherchée ou piochée, je la laisse clairement identifiable au cas où le retour en arrière ne fonctionnerait pas.
- Dès qu’une action me semble déraisonnable, j’arrête et indique que cela ne semble pas raisonnable et qu’ainsi, je laisse le jeu en l’état.
- Si j’ai réussi à annuler toutes les actions et que tout me semble raisonnable, alors c’est mon ruling.
- On peut bien sur faire appel de ce ruling, c’est pourquoi il est important d’identifier clairement les cartes ayant quitté la main ou le champ de bataille.
Cette méthodologie a plusieurs avantages :
- Cela ne me donne pas un aperçu de ce à quoi cela devrait ressembler mais dit ce que cela implique d’annuler une série d’actions.
- Cela montre aux joueurs que j’essaie d’annuler l’erreur et de restaurer l’état du jeu de manière à annuler tout avantage qu’aurait pu prendre un joueur.
- Que cela s’avère impossible, cela me donne des motifs pour appuyer ma décision de ne pas revenir en arrière et de m’étendre auprès des joueurs sur des détails basés sur des faits plutôt que sur des suppositions.
- Dire “J’ai le sentiment” est moins convaincant que déclarer “Je ne crois pas que cet [élément factuel] peut vous permettre de continuer à jouer la même partie de manière sure”.
Définir raisonnable
Il y a une chose que vous ne pourrez jamais annuler : ce que quelqu’un a vu ou entendu.
À partir de là, les éléments auxquels vous devriez apporter le plus d’attention sont les informations supplémentaires gagnées, par exemple un éphémère révélé perd de sa puissance intrinsèque puisque l’adversaire peut choisir avec certitude de jouer autour.
Aussi, une non-information peut être aussi puissante qu’une information. Un joueur passant la priorité à de multiples reprises avec du mana dégagé peut avoir révélé que sa main n’est pas aussi puissante qu’elle n’y paraît.
Un bon retour en arrière est presque toujours un fix partiel
Si vous sentez qu’un fix partiel sur l’état du jeu sera simple, alors il y a probablement des motifs à revenir en arrière.
La principale raison pour suivre intégralement la procédure est que cela permet de vérifier, en fait, que pas trop de choses (et rien du tout si possible) changeront une fois que les joueurs reprendront la partie à partir du moment auquel vous l’avez ramenée en arrière.